lundi 23 novembre 2015

Hommage à Mathieu Giroud, géographe assassiné au Bataclan

Pour Matthieu

Mardi, 17 Novembre, 2015
L'Humanité
Par Sylvain Pattieu 
Maître de conférences en histoire à l’université Paris-VIII. Auteur, notamment, de des Impatientes(Éd. du Rouergue)
Tout le monde l’aimait, Matthieu, 
sauf les jaloux. Brillant chercheur, beau comme un dieu ou un saxophoniste 
et généreux en plus de ça. Il finissait ses phrases ou ses textos en t’appelant “l’ami” et ça peut sembler désuet 
mais chez lui ça sonnait sincère.
Sur le terrain, quand on jouait 
au ballon, il était numéro 10, celui 
qui garde son calme, organise le jeu 
et passe la balle à terre. Ça lui allait bien de distribuer, c’était dans son caractère. Un mec qui apaise. Engagé, dans ses cours, dans ses recherches, 
de la géographie critique, dans les manifs, dans les cours de soutien 
pour les enfants mal-logés. 
Mais pas le genre à regarder de haut, 
à se vanter, toujours dans l’écoute, modeste. Une douceur magnétique.
Il aimait la musique et il est tombé sous les balles des assassins, au Bataclan.
Ils veulent faire monter le racisme 
et l’intolérance, nous dresser les uns contre les autres, athées, laïques, chrétiens, juifs, musulmans, sunnites et chiites, Français et immigrés. 
Ils veulent des communautés hermétiques, des chocs de civilisation, 
des vengeances impérialistes, la guerre de tous contre tous. Ils s’en sont pris 
à ce qui nous réunit, à la joie, à la danse et aux rires, au stade, au bar, 
au spectacle. Ils ont tué des Noirs, 
des Arabes et des Blancs, des Français et des étrangers, des prolos et 
des cadres sup. Avec Matthieu hélas 
ils ont bien choisi leur cible : 
un mec ouvert, intelligent, solidaire avec les réfugiés, contre les inégalités. Pas de haine chez lui.
Je l’ai vu la veille de ce concert, 
il m’a annoncé la bonne nouvelle, 
sa compagne Aurélie enceinte, 
une petite sœur pour son bonhomme de trois ans. Il m’a dit : c’est comme toi, on aura une fille après avoir 
eu un fils. Il était fier et tendre 
et plein d’amour.
Sa perte est en nous, pour toujours, tendre tristesse, et malgré tout la joie des bons moments. Je veux garder 
le souvenir des derniers mots d’amour de Matthieu pour les temps mauvais qui s’annoncent. À travers le chagrin, l’effroi, la douleur, l’empathie 
est notre remède, notre arme 
et notre forteresse.


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